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Je me souviens

Je me souviens…des petits matins frais, cet été-là dans le Massif Central. Tout le monde dormait encore. Moi, je faisais le tour du monde avec les Enfants du Capitaine Grant. J’avais 12 ans.
Bernadette A.
Je me souviens de la lumière du matin qui traversait les arbres. Je relevais les yeux de ma lecture...et soudain, tout était là, dans l’infini de l’instant, une légèreté, une joie... adolescente, je découvrais l’Enchantement simple de Christian Bobin.
Vanessa C.
Je me souviens cet été là, sur la plage, n’avoir ni entendu le bruit des vagues ou les cris des enfants, ni senti le soleil brûler ma peau ni le sable chaud.. un moment hors du temps plongée dans Le Prince des marais de Pat Conroy.
Marie-Noëlle C.
Je me souviens de l’irradiation intérieure provoquée dans le quotidien de cet été-là, dans l’attente fébrile du début des vacances, par la découverte du bouleversant témoignage revitalisant de Jacques Lusseyran dans Et la lumière fut.
Marianne A.
Je me souviens du poids des livres dans le sac à dos, du plaisir de la lecture face aux lacs cristallins et aux cimes enneigées des Alpes. Des livres d’Erri de Luca (Sur la trace de Nives, Le poids du papillon…) et de la rencontre avec l’auteur en 2009 lors du festival de l’Arpenteur.
Chantal G.
Je me souviens... Dans les lignes, la barbarie, le sang, la mort. Devant moi, les collines de la Drôme provençale, les cyprès bleutés dans le soir qui tombe et sur mes genoux ce livre trouvé dans la maison de vacances : Notre ami le Roi de Gilles Perrault. Bouleversée de penser qu’au-delà de la mer, cela continuait.
Dominique B.
Je me souviens des bouleaux qui zébraient à la cadence du train la vitre du compartiment, des gorgées de thé tiédis entre les lignes de Guerre et Paix de Léon Tolstoï... Je traversais la Russie. Des années plus tard, Tangente vers l’Est de Maylis de Kérangal m’invitait à nouveau au voyage.
Elodie B.-M.
Je me souviens, c’était à Istanbul : comme chaque été passé à l’étranger, j’avais dans mes bagages un livre sur le pays visité. Ce fut De la part de la princesse morte de Kenizé Mourad. La splendeur et la chute de l’empire ottoman racontés dans un récit valent tous les essais sur le sujet !
Yves B.
Je me souviens d’un été dans l’Ouest américain. Des kilomètres en voiture. On s’ennuie un peu. Je commence à lire à voix haute Dalva de Jim Harrison. Trente pages plus loin on se regarde tous les trois, les yeux brillants de larmes. Continue, continue.
Geneviève R.
Je me souviens des journées glaciales, de la famine dans la Russie d’après la Révolution d’Octobre, des intellectuels épris de culture et de liberté :
je dévorais C’est moi qui souligne de Nina Berberova, dans ma petite tente au bord du maquis corse odorant et brûlé par le soleil et j’avais presque froid.
Fanette A.

 

À demi-mots

 

L’Étrange apparition de Tecla Osorio
Mercedes Deambrosis, éd. des Busclats — 15 €

« Tecla Osorio est apparue une après-midi, vers dix-sept heures trente, un 14 avril 2009 à l’arrêt du car qui relie Medina del Campo à Buitrago, le 314. » Ainsi commence le très réjouissant nouveau roman de Mercedes Deambrosis. L’auteure précise très vite que cette apparition quasi miraculeuse a été précédée onze ans plus tôt d’une disparition dont on ne saura, au final, rien du tout. Et d’ailleurs, les protagonistes de l’histoire – sa mère, son père, ses amies, les policiers - se garderont bien de chercher à savoir ce qui a pu se passer durant cet intervalle. Ni la vérité ni le goût de la mémoire ne sont des vertus cultivées par la société espagnole décrite ici, bien au contraire.
On découvrira ainsi que le « dossier » de cette disparition n’a en fait jamais existé. Société silencieuse, rancie, enfoncée dans un quotidien morne, prisonnière des hiérarchies et des haines, hantée par la guerre civile. L’apparition de la jeune femme fait remonter à la surface ce que chacun préférerait taire, comme un souffle de vent vient rider des eaux calmes. L’alternance de courtes scènes, le brio des dialogues affûtés par l’ironie font de ce roman un vrai régal.
D. M.

 

Une part de ciel
Claudie Gallay, éd. Actes Sud — 22 €

Le père de la narratrice a donné rendez-vous à ses trois enfants dans le village de leur enfance, coin perdu de montagne. Pour cela il adresse, comme à chaque fois et à chacun des trois enfants une boule neigeuse, car il est coutumier des escapades. Dans ce hameau, Carole, venue de Saint-Etienne retrouve son frère et sa soeur qui vivent toujours là et attendent l’hypothétique retour… Les souvenirs affluent : l’incendie a ravagé leur maison alors qu’ilsy vivaient et la culpabilité qui taraude la narratrice depuis l’évènement
l’assaille à nouveau.
L’auteur nous raconte la neige qui tombe, la vie du petit bourg qui s’étire au rythme de son café, les petits secrets qui font la vie sociale, le quotidien. C’est un roman de la simplicité, l’auteur, par petites touches nous fait rentrer dans l’intimité des personnages, se dévoilent les chagrins, les rancoeurs, les espoirs aussi, tranquillement, au fil des pages.
C’est un roman lumineux, par la grâce de l’écriture et la tendresse de l’auteur pour les gens de peu.
D. B.

 

Dans le grand cercle du monde
Joseph Boyden, éd. Albin Michel — 23,90

Le titre original de ce livre traduit de l’anglais(Canada) est The Orenda, que l’on pourrait traduire par l’esprit ou l’âme. Après Le Chemin des âmes et Les Saisons de la solitude, J. Boyden nous offre un récit magistral des premiers contacts entre Jésuites et Hurons-Wendats au 17e siècle, du choc des cultures et des croyances, de la guerre fratricide entre Hurons et Iroquois pour la domination commerciale et territoriale. Par les voix de trois protagonistes, Oiseau le chef Huron, Christophe Corbeau (nom donné aux jésuites par les amérindiens) et Chutes-de-Neige, une enfant enlevée à sa famille et adoptée par Oiseau, nous sommes emportés dans la douceur de la vie quotidienne et la violente réalité des périodes de combats et d’embuscades. Chacune de ces voix ouvre la porte à un angle de vue personnel et culturel, aucune n’est simpliste ou catégorique, ce qui fait la force de ce roman. Nous lisons la fin d’un monde, la fin d’un peuple, dans un récit exempt de manichéisme sans être pour autant complaisant ou indulgent pour l’une ou l’autre des cultures en lutte. Tourner la dernière page est difficile.
B. A.

 

Un homme ça ne pleure pas
Faïza Guène, éd. Fayard — 18 €

L’histoire d’une famille algérienne qui vit à Nice. Abdelkader, le père, retraité et ancien cordonnier, passe son temps à bricoler et à récupérer tout ce qu’il trouve. Djamila, la mère, aimante voire envahissante et possessive veille sur ses enfants comme sur la prunelle de ses yeux, surtout sur son fils. Trois enfants : Dounia, la rebelle, qui rue dans les brancards et va rompre les ponts avec sa famille et renier ses origines ; elle deviendra avocate, se lancera dans la politique et écrira un livre sur sa vie qui fera honte aux siens ! Mourad, le narrateur, timide et discret, se réfugie dans les livres et devient professeur de littérature ; il quitte Nice et sa mère (!) pour son premier poste à Montreuil. Et la dernière, Mina, reste dans la tradition, se marie et reste à côté de ses parents, elle travaille dans une maison de retraite.
Un bon roman simple et bien écrit, un portrait bien typique de notre société, on sent le vécu, il y a beaucoup de tendresse, d’affection et de bon sens.
M.-N. C.

 

La Grâce des brigands
Véronique Ovaldé, éd. Seuil Points — 6,90 €

Maria Cristina, romancière à succès mène une vie libre et émancipée à Los Angeles, depuis la publication de son autobiographie qui lui a apporté argent et notoriété.
Grâce à une bourse d’études, elle avait mis des milliers de kilomètres entre sa famille déjantée et elle. Une mère bigote et folle, un père taciturne et dépressif, une soeur à l’esprit dérangé après un accident dont Maria Cristina se sent responsable. Peut-elle fuir le passé ? Dix ans plus tard, il suffit d’un coup de fil de la mère pour que sa fille accoure vers la maison natale au coeur des sombres forêts du Canada.
Ruptures, télescopages, le livre est habilement construit, c’est du grand art. On passe du rire aux larmes, du passé au présent, du burlesque à la gravité, de la tendresse à l’autodérision. L’auteur en quelques mots donne vie à des personnages extravagants qui nous sont tout de suite familiers. Le chauffeur baraqué se nomme Judy Garland, et le chat Jean-Luc Godard.
Au détour d’une phrase bouleversante, on bascule dans l’émotion, et on partage la quête de liberté de l’héroïne et aussi son désespoir.
G. R.

 

La Corde
Stefan aus dem Siepen, éd. Ecriture – 16,50 €

Conte philosophique intemporel : dans un petit village perdu au fond des bois, des paysans s’adonnent à leurs tâches quotidiennes et vivent isolés du reste du monde. L’un d’entre eux découvre un jour une corde de belle facture qui s’enfonce dans le bois, à l’orée de la forêt. Ne trouvant pas le bout de la corde les hommes décident de monter une expédition pour élucider ce mystère. Cette énigme devient pour eux l’objet d’une quête existentielle qui révèle la personnalité de chacun. Ils sont guidés par l’instituteur, éclopé, joueur de flûte, qui est moins effrayé qu’eux par l’inconnu. Pendant que les hommes affrontent dangers et angoisses les femmes tentent d’organiser la survie du village. C’est une fable envoûtante, où le lointain, le changement, l’altérité font peur mais aussi fascinent, face à la banalité et à la monotonie du quotidien. Poussés par les discours de l’instituteur, les hommes choisissent la voie de la nouveauté. Mais lorsqu’on y entre on ne peut plus revenir en arrière, quels que soient les ravages qu’elle provoque dans les vies.
Ch. G.

 

On sait l’autre
Edith Azam, éd. POL — 12 €

La parole de ce roman s’enclenche avec la radio qu’on allume. On est à l’intérieur. La fenêtre est fermée mais derrière les rideaux, la présence de l’autre crisse sur les graviers, comme une menace. Il inquiète, il agace, il obsède… Il pourrait être l’amant ou tout autre qui n’est pas soi. Il pourrait être le personnage, celui à remplir par l’écriture, celui par lequel la création se fait… Il pourrait être soi, aussi. Alors, on en sonde les traces…près de ce « je », dont le narrateur est dépossédé, ses traces près du corps, vues comme brutales…inconfortables. Le lecteur est aspiré dans ce flux qui est comme un souffle « fait de grumeaux » que la ponctuation révèle et libère. Mu par les répétitions, ce texte est d’une densité singulière : entre asphyxie, douleur, et désir de survie à travers le langage, les livres et la poésie.
V. C.

 

La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement
Svetlana Alexievitch, Actes Sud, trad.Sophie Benech — 24,80 €

Bien qu’il ait reçu le Prix Médicis de l’Essai 2014, ce livre se lit comme un roman. Dans ce magnifique requiem, l’auteure de La Supplication (éd.Lattes, 1999) réinvente une forme littéraire polyphonique qui fait résonner les voix de centaines de témoins brisés de l’ex-
Union soviétique. Elle rassemble les paroles recueillies pendant 15 ans sur son magnétophone pour garder vivante la petite histoire d’une grande utopie.
Des humiliés et des offensés, des mères déportées avec leurs enfants, des staliniens impénitents malgré le Goulag, des enthousiastes de la perestroïka ahuris devant le capitalisme triomphant. « Des victimes, des bourreaux, et à la fin les bourreaux deviennent des victimes. On ne dirait pas que cela a été inventé par des hommes…Une perfection pareille, ça n’existe que dans la nature. La roue tourne, et il n’y a pas de coupables…Non, tous veulent qu’on les plaigne. Ils sont tous des victimes, au bout du compte. Tous !.. J’ai besoin de savoir...Pourquoi ? Avec tout ce que je sais, j’ai peur de moi-même. »
F. A.

 

La légèreté
Emmanuelle Richard, éd. L’olivier — 18 €

Une adolescente, mal dans sa peau : elle ne s’aime pas, se trouve laide grosse et moche, mais elle ne pense qu’à une seule chose : rencontrer un garçon, perdre sa virginité.
Vacances à l’ile de Ré avec ses parents et son petit frère. Elle a 14 ans et des poussières.
Milieu modeste décalé dans cette ile où il n’y a que des gens aisés. Ils ont voulu se mélanger, mais ça ne marche pas, chacun reste dans son milieu.
Ses parents la poussent au flirt et en même temps la retiennent, ils lui font honte car ils n’ont pas tous les codes !
C’est ce moment de l’adolescence où tout est possible et où tout est compliqué, le corps est en pleine mutation, elle voudrait qu’on la voie et refuse les regards quand ils arrivent, c’est là toute la complexité.
L’attente de ces longues journées d’été où rien ne se passe, elle reste seule,
ne veut pas aller avec les parents et le petit frère à la plage, elle lit et s’imagine dans les bras d’un homme ou se regarde dans la glace. L’écriture s’accorde avec ce mal être dans un style tendu et parfois surprenant. Un premier roman... à suivre.
M.-N. C.

 

L’Exception
Audur Ava Olafsdottir, éd. Zulma — 20 €

Le soir du nouvel an, Floki annonce à sa femme Maria qu’il va la quitter pour l’homme du même nom qui habite dans la même rue, même si elle reste la femme de sa vie. Au même moment, sa mère lui annonce que son père qu’elle n’a jamais rencontré va venir la voir. Elle le rencontre, mais il meurt rapidement. Seule héritière, elle part porter ses cendres aux USA où il vivait. C’est là qu’elle comprend enfin ce qui liait sa mère à son père.
Dans ce moment où tout se dénoue et se renoue dans sa vie, Maria commence à vivre avec ses deux enfants jumeaux une pérégrination intérieure, accompagnée par sa voisine naine, Perla, écrivain et conseillère conjugale qui la fait parler. Elle est aussi soutenue par l’étudiant d’en face qui vient l’aider et s’occuper des enfants. Elle tient bon.
Le lecteur suit la vie intérieure de Maria, qui jamais ne sombre. C’est du côté de l’humain qu’elle puise une force de vie et décide ainsi de réaliser un projet d’adoption construit avec son mari. On est sous le charme : une forme de légèreté, des personnages improbables, une tendresse inoubliable, et la vie qui s’ancre dans la filiation quand l’amour disparaît. Un roman qui se vit plus qu’il ne se raconte, comme Rosa candida et L’Embellie du même auteur.
J. B.

 

Autres plaisirs

 

Regarde les lumières mon amour
Annie Ernaux, éd. Seuil — 5,90 €
C’est un projet : Raconter la vie, et Annie Ernaux s’y colle. De novembre
2012 à octobre 2013, elle tient un journal de ses visites dans l’immense centre commercial. Elle raconte ses impressions, ses rencontres, les personnes devant les rayons, ceux qui se perdent, les indécis, la mixité, les promotions, les caissières, les nouvelles caisses automatiques. Et c’est réussi.

Aucune chanson n’est douce
Danielle Bassez, éd. Cheyne — 16 €
L’auteur porte regard autobiographique sur une belle-mère qui lui a mangé son enfance et qui jusqu’à sa mort ne lui donnera rien. Un portrait incisif qui sonne juste et traduit la souffrance du désamour. Une écriture magnifique et épurée qui résonne fort pour le lecteur.

Swan Peak
James Lee Burke, éd. Rivage Noir — 9,50 €
Vacances à haut risque dans le Montana pour Dave Robicheaux et Clete Purcell, venus oublier l’ouragan Katrina. Confrontés à des meurtres odieux, ils s’impliquent dans l’enquête. Hantés par leurs vieux démons que sont la violence, l’alcool, et le Vietnam, leur profonde humanité éclaire un récit sombre et douloureux.

Le liseur du 6 h 27
Jean-Paul Didierlaurent
éd. Au diable vauvert — 15,20 €
Tout commence dans le RER de 6h27 où Guylain Vignolles prend la parole tous les
matins pour le bonheur des voyageurs en leur offrant quelques pages de lecture à voix haute tirées de feuilles rescapées du pilonnage par la Zerstor 500. Des personnages truculents, une intrigue amoureuse, une écriture cinématographique, un vrai plaisir, une bouffée d’optimisme.

Seul
Juhani Aho, éd. Rivages — 15 €
Monologue autobiographique d’un Finnois, Seul est un roman étrange, à la fois marqué par son temps et intemporel par les sentiments déprimés causés par un amour malheureux. La Finlande et son atmosphère nordique, Paris et ses lumières au moment de l’exposition universelle de 1889, font un contraste superbe, décor de fond vivant et personnage à lui seul, accompagnant les réflexions et ruminations (parfois agaçantes) du narrateur.

La Petite communiste qui ne souriait jamais
Lola Lafon, édition Actes Sud — 21 €
C’est l’histoire de Nadia Comaneci, championne olympique, et un regard sur ce qui se
joue au sein du bloc communiste en 1976. Un miracle, cette petite Roumaine, ou un produit de la dictature de Ceaucescu, incarné par son coach Bêla qui traite les petites gymnastes comme des animaux ? Et pourtant que de rêves
pour les petites filles du monde entier.

 

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