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Edito

Histoire

Un deux trois et tant et tant que l’on  ne les compte plus
Ils sont si  nombreux
Ils font partie de notre vie
Ils se promènent dans nos sacs sur les tables de chevet ou de campagne
Ils nous accompagnent
Qui sont-ils ???.....
Ne vous êtes-vous pas reconnus ?
Ce sont les livres
Et leurs histoires
Certaines lues il y a  longtemps et inscrites à tout jamais
Celles que l’on a tant aimées et que l’on offre à tout va
Celles que l’on peut relire encore et encore
Celles dont on parle si souvent
Celles qui nous remuent
Celles qui ressemblent tant à notre propre histoire
Celles qui nous font trembler et faire des bonds
Et celles qui nous font faire de mauvais rêves
D’autres oubliées sur le champ aussitôt le livre fermé
D’autres laissant ce petit plaisir que l’on retrouve rien qu’en y repensant
D’autres que l’on ne peut abandonner sous aucun prétexte
Et d’autres que l’on n’arrive pas à finir
 
Mais dans les livres il y a aussi tous les personnages
Ceux que l’on retrouve au détour d’une conversation
Ceux auxquels on s’est identifié
Ceux qui nous ressemblent comme deux gouttes d’eau
Ceux qui nous font peur
Ceux qui nous émeuvent
Ceux qui nous mettent en colère

Et puis il y a aussi les paysages les lieux
Ceux que l’on ne connaîtra jamais
Ceux que l’on aime
Ceux qui nous font rêver
Ceux que l’on découvre
Et ceux que l’on imagine

Et puis dans les livres il y a toutes les images qui sont les nôtres et que l’on ne peut partager

Saviez-vous que vous étiez si importants
N’en profitez pas pour faire les malins
Et ne plus remplir votre rôle
A bientôt de vous lire

Marie-Noëlle Clément


À demi-mots

Immobile
Valérie SIGWARD, éd.Julliard
14 €
L'histoire commence la veille du drame. C'est l'été, la chaleur des vacances, le temps des baignades en famille. Et l'accident survient : Anna plonge dans le lac, sa tête heurte un caillou qui la prive désormais de tout mouvement et la condamne à l'immobilité.
C'est la sœur de la compagne d'Anna qui nous raconte le drame, et l'onde de choc qui submerge et dévaste l'entourage. La pensée d'abord sidérée, puis l'horreur peu à peu dévoilée, l'hôpital inconnu et hostile, la froideur absolue de la chambre, la paralysie définitive et la tragique nécessité de repenser la vie d'Anna, la vie avec Anna. Et la créativité renaît dans ce lieu du désastre devenu familier, grâce à la lecture. Car les deux sœurs vont se relayer auprès d'Anna pour lui lire "A pierre fendre", le récit d'un équipage lui aussi pris dans les glaces, et opposer à la tragédie la force vitale de la fraternité.
C'est un roman qu'on lit presque en apnée, sans reprendre son souffle : un traité de survie de deux sœurs irrémédiablement liées, que l'énergie du désespoir rend plus fortes que l'horreur.
E. P.

Sur la trace de Nives
Erri De Luca, éd. Gallimard
13,90 €
Dans son dernier livre Sur la trace de Nives, Erri De Luca accompagne la célèbre alpiniste italienne Nives Meroi dans une de ses expéditions himalayennes.
Grand lecteur de la bible, sans toutefois appartenir à une religion, l’auteur tisse les liens entre cette lecture et la pratique de l’alpinisme. Sous une tente, battue par les vents, par moins 40, tous deux engagent une conversation. Alors que Nives tente de décrire le froid, la neige, le vent glacial en même temps que son irrésistible besoin de toujours repartir, Erri De Luca explique que les grands moments de l’histoire biblique ont eu pour décor la montagne (les monts Ararat, Sinaï, Moriali…). Ces deux activités sont pour lui une ascèse du corps et de l’esprit, la recherche d’une intériorité face à l’immense et à l’infini.
Ce livre bref, comme le souffle de l’alpiniste est une forme de méditation,  sur le sens de nos actions et sur le trésor après lequel nous courons.
H.B.

Les autres
Alice Ferney, éd. Actes Sud
21 €
L'histoire est simple : deux frères, les amis et les compagnes se réunissent pour un anniversaire, l'espace d'une soirée, dans la maison de la mère, mais la famille est le lieu de toutes les rancunes, des silences et de la souffrance et, à travers un jeu de société où chacun doit dire comment il perçoit l'autre, ce moment festif  vire au règlement de comptes. Chacun entendra des mots trop longtemps tus, chacun se découvrira et tous en sortiront changés.
Ce qui fait la force de ce roman, c'est sa construction stylistique qui se développe en trois temps, le premier, celui du monologue intérieur de chacun des personnages, nous en livre l'épaisseur par leurs pensées secrètes, leurs failles intimes. Le second écrit comme une pièce de théâtre est celui des choses dites. Avec la dernière partie  de facture plus classique, l'auteur nous livre à travers le récit des propos rapportés, le dénouement de l'intrigue.
Alice Ferney jette un regard  tendre sur ses personnages, et nous, lecteurs, les voyons se débattre avec leurs peurs, leurs faux-semblants, leurs certitudes aussi. Bien sûr, les jeunes gens par leurs réflexions semblent parfois décalés par rapport à leur âge, mais ce roman  possède une vraie originalité et interroge sur ce qui fait l'Humain dans son rapport aux autres et dans ce sens-là, c'est une réussite. 
D.B.

Le chemin des âmes
Joseph Boyden, éd. Albin Michel
22,50 €
Il faut trois jours pour parcourir le chemin des âmes, temps nécessaire aux vivants pour franchir le passage vers la mort. Et il faudra trois jours à Xavier et à sa tante Niska pour retourner chez eux, dans le Grand Nord de l’Ontario. Trois jours pour descendre une rivière qui coule vers le nord, trois jours pour remonter le temps de Niska et revivre l’effroyable parcours de Xavier dans les tranchées, trois jours pour renaître.
Xavier et Elijah sont deux jeunes indiens crees à une époque, le début du XXe siècle, où leur culture, leur existence même est éradiquée par les religieux et les politiques blancs. Xavier a été emmené par sa tante Niska avant d’avoir pu être totalement détruit par l’orphelinat catholique où il a rencontré Elijah, devenu son frère. Tous deux s’engagent dans l’armée canadienne. Leur histoire est celle d’une descente aux enfers : enfer des tranchées, de la boue, des obus mais aussi enfer de la drogue, la morphine, médecine des blancs dont Elijah ne pourra plus se passer et qui le mènera au bout de l’horreur : le goût de tuer, le goût de détruire. Xavier est l’observateur épouvanté de son ami et finira par faire un choix radical, guidé par le souvenir de sa tante et l’histoire de sa famille.
Il faut lire ce livre, magnifique, effrayant, dramatique,   dans lequel la rage de vivre n’est jamais loin de la désespérance.
B. A.

Un pont d’oiseaux
Antoine Audouard, éd. Gallimard
21 €
Le narrateur, André Garnier, nous entraîne dans une période sombre de l’histoire, encore peu traitée dans le roman français, la guerre d’Indochine. Il part au Vietnam, sur les traces de son père Pierre qu’il a très peu connu, juste revenu mourir près de lui, le laissant seul avec des fantômes : « j’ai des choses à dire », il ne les dira jamais. Le pont d’oiseaux, légende vietnamienne, sera peut-être le pont qui rapprochera le fils du père.
Cinquante ans après, André essaye de reconstituer l’histoire de son père suivant la division Leclerc en Indochine (1945). C’est un véritable puzzle où il retrouve les fantômes de la guerre, les lieux, les femmes de son père, nous livrant la figure d’un homme ni glorieux, ni salaud, entouré de personnages célèbres comme Leclerc, Hô Chi Minh (Oncle Hö), d’Argenlieu et Giap.
Cette quête lui permettra aussi de faire le point sur sa propre vie, alors qu’il est séparé de sa femme, ne voyant plus son petit garçon.
C’est un roman dense, historique et familial, alternant trois générations, celle d’André, de Pierre et du grand-père Louis. Mêlant les atrocités de la guerre, le colonialisme qui s’effondre, les amours sulfureux, impossibles et violents.
Antoine Audouard dédie ce roman à la mémoire de son père Yvan Audouard.
Ch. G.


Funérailles célestes
Xinran, éd. Piquier
17 €
Ce livre retrace l’itinéraire sur trente ans d’une jeune chinoise, Wen, au sein du Tibet des années 50. Suite à l’annonce de la disparition de son mari, jeune médecin engagé au sein de l’armée chinoise dans la lutte contre le Tibet, elle se met en route, décidée à comprendre.
Grâce à une famille de nomades tibétains qui la prend sous sa protection, elle survit miraculeusement dans les conditions de vie difficiles des hautes altitudes.
Confrontée au dénuement, au froid et à l’apprentissage de cette communication permanente entre la nature et l’esprit, propre à la religion tibétaine, elle comprend le rite des « funérailles célestes » qui ont conduit son mari à la mort.
Le livre montre Wen sur les traces de son mari, dans cet acte de réconciliation entre le Tibet et la Chine, dont les cultures sont si loin l’une de l’autre. Il interroge aussi sur le sens de la vie. Au moment où Wen s’engage dans un retour à l’essentiel, « l’existence à soi-même », la Chine vit sa révolution culturelle qui prône « la négation de soi ».
Loin d’être une simple autobiographie, ce livre entraîne loin à l’intérieur du Tibet, sa culture et sa spiritualité.
J. B.

Les Adolescents troglodytes
Emmanuelle Pagano, éd. P.O.L.
14,90 €
Dans une région montagneuse au cœur d’un hiver rigoureux, voici l’histoire banale d’Adèle, une jeune femme chargée par le conseil général du transport scolaire. Le ramassage est difficile, la route escarpée, les villages éloignés, c’est tous les jours une aventure. La navette traverse les bois et les forêts, toute une atmosphère inquiétante propice à l’imagination. L’imagination, les ados du collège et les petits de l’école primaire n’en manquent pas. Le mythe de la dame blanche apparue ici ou là, le curieux homme  aperçu au détour d’un virage immobile et étrange, la roche qui s’effrite et qui fragilise la route, contribuent à grossir la mythologie des forêts de la région. Les rumeurs colportées depuis moult générations alimentent les conversations et aiguisent les peurs. Pourtant la description de cette ambiance forme l’écrin de l’essentiel. Ce qui se noue entre les jeunes et Adèle, est profond, archaïque, proche et sensible. Tous les jeunes qu’elle transporte quotidiennement sont un miroir pour elle, pour son vécu, pour son secret. Les dernières pages le dénouent et c’est bien ainsi. L’écriture est chatoyante, envoûtante.
Y. B.

Courir dans les bois sans désemparer
Sylvie Aymard, éd. Maurice Nadeau
14 €
Prière de lire ce premier roman, invocation adressée à un tout autre non identifié, non nommé : le lecteur peut-être ? Dans un rapport très étroit à la nature, aux animaux, l’histoire de l’héroïne sans prénom, débute par une mise au vert dédiée à un retour sur elle-même, par l’écriture. Ecrire ou disparaître. Dans la maison qui lui est prêtée à cet effet, l’inspiration va naître : les mots l’assaillent et tour à tour lui échappent. Les élans de vie succèdent aux désespérances. Rebelle et enfantine, découragée par ses parents et humiliée par son institutrice, elle a grandi, sans éducation.
Puis ce sera une période d’apprentissage avec M. Léon, découvrant avec lui les communautés soixante-huitardes, côtoyant les autres, sans les rencontrer. Alors que la puissance des obscurités semblerait l’emporter, la lumière et le merveilleux apparaissent avec Nathan. D’un simple regard de lui, jaillit une lueur vive qui vient embraser sa vie. Soudaineté et vigueur du bonheur apparu, trop vite dilapidé par la maladie. En refermant ce livre, nous avons accompli avec elle une partie du deuil qui la conduit à sa renaissance.
M.A.

Giacometti, La rue d’un seul
Tahar Ben Jelloun, éd. Gallimard
20 €
Peinture, sculpture, littérature : tout se trouve dans ce livre.
Juste en posant le regard c’est déjà un régal : il est superbe par sa forme par son toucher.
Puis comme un fin gourmet, on ouvre, on tourne et l’on se délecte, une photo à chaque page et le texte à la hauteur de l’artiste.
Tahar Ben Jelloun se souvient de « la rue d’un seul » à Fès, si étroite qu’elle semble faite pour les hommes de Giacometti et ainsi il les fait vivre à sa manière. On le suit dans son rêve de rendre les statues vivantes, elles glissent, marchent, déambulent  dans les rues, il les contemple et leur invente un moment de vie. Ces grands personnages, si longs, si étroits, si emplis de souffrance. Il fait de même avec les personnes réelles qu’il rencontre dans la rue, le métro : il les juxtapose avec les statues, et capte leur fragilité, leur tristesse, leur solitude ; il les sculpte avec sa plume. Il mélange son propre itinéraire, nous livre un peu de son intimité, de son écriture, et fait le parallèle avec la sculpture, la recherche de chacun à travers son art.
C’est très beau, très fort, et l’on a envie de partager cette lecture
M.-N. C.


Comme le murmure d’un ruisseau
François Gantheret, éd. Gallimard
12,90 €
Un homme retourne dans sa Haute-Savoie natale pour en finir, croit-il, par la vente d’une ferme familiale, avec un passé bien lointain. Il redécouvre, au milieu de ces reliefs montagneux si paisibles, ce que ce monde contient de secrets, de chuchotements et de sombres rumeurs.  Ce décor lui fait revivre le douloureux souvenir d’un amour adolescent tragiquement rompu par le meurtre de son amie. Un meurtre qui gardera son mystère.
Le récit va alors lentement révéler les secrets si longtemps gardés de cette histoire, comme une enquête policière qui, pas à pas, dénoue les fils qui conduisent à la résolution de l’énigme. L’histoire semble se dérouler, couler dans l’apparente douceur du murmure d’un ruisseau, mais sous lequel grondent le bruit et de fureur de la violence et de l’inceste.
Le style lui-même d’une grande fluidité, une parfaite maîtrise de la construction, nous laissent sous le charme. La musique romantique de Schuman y ajoute sa touche de nostalgie. Le rare plaisir d’un roman qu’on prend, qui nous emporte et qu’on ne quitte qu’avec regret.
S. C.


Autres plaisirs

Bazar magyar
Viviane Chocas, éd. Hélène d’Ormesson,16 €
Un petit livre délicieux, dans lequel la cuisine devient le fil conducteur d’un retour aux racines hongroises de la narratrice. Ses parents ont fui Budapest en 1956 et elle ne connaît rien de ce pays. Jamais ils ne lui ont parlé de leur enfance, jamais plus ils n’ont parlé leur langue. C’est à travers les saveurs et les parfums culinaires que leur fille va se réapproprier son histoire.

Le voyage de Monsieur Raminet
Daniel Rocher, éd. Le livre de poche, 7 €
Un petit délice que ce roman, qui mélange la cocasserie, l’humour et la tendresse.
Monsieur Raminet à la retraite passe son permis et s’en va à Saint Malo. Un homme touchant par sa naïveté, son langage très démodé et pourtant plein de lucidité. De véritables perles se glissent dans ce petit livre qui fait du bien.


Le Libraire
Régis De Sa Moreira, éd. Le livre de poche, 5,50 euros
Un livre drôle, spirituel, attachant, grinçant, poétique, tendrement décalé, fantasque, onirique. Je ne résiste pas à l’envie de répéter ce qui est dit en 4e de couverture : « Ne pas lire trop vite pour faire durer le plaisir » B. Pleissis.


Les Oubliés 
Christian Gailly, éd. de Minuit, 13 euros
Au fil de ses romans Christian Gailly pénètre un peu plus l’inquiétude de ses personnages à l’aube de leur vieillissement. La musique est toujours présente, elle est ici le ciment qui favorise une liaison tardive.


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