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RetD 42

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Les nuits où le sommeil s’absente.
Les pensées s’entrechoquent, les mots
s’alignent glissent se forment
le mental s’agite… C’en est ainsi de la pensée qui saute d’une idée à l’autre qui broie du noir la nuit et ne se souvient de rien au matin.
Les pas frôlent le sol qu’éclaire un ciel étoilé et un quart de lune.
Les mots si prompts quelques minutes
auparavant se sont échappés ne reste que
le silence de l’heure avancée de la nuit.
Ils reviennent, les mots, comme des
papillons noirs qui assombrissent les idées et passent en file indienne comme des
poissons argentés le long d’un cours d’eau.
Ils prennent la forme d’images s’arrangent se regroupent et forment un bouquet aux couleurs de printemps.
Ils tombent comme des flocons de neige
légers s’envolent glissent le long d’une vitre comme des gouttes d’eau un jour de pluie.
S’ouvrent comme des bourgeons aux
premiers rayons de soleil.

Les mots cognent martèlent les tempes
et encerclent comme un jour de violente migraine.
Les mots glacent écorchent crissent
comme sous le scalpel.
Ils voltigent couleurs chatoyantes sous
le souffle d’automne comme les feuilles
qui s’amassent le long des chemins.
Ils s’égrènent en une litanie  sans fin comme les perles d’un collier.

Et les mots se pressent sur le papier,
l’esprit s’en accapare d’autres se mêlent, l’imaginaire au rendez-vous fait le reste.

Marie-Noëlle Clément


À demi-mots

La couleur des sentiments
Katthyn Stockett, éd. Actes Sud — 23,80 euros
Un bon pavé dans lequel on plonge pour n’en ressortir qu’à la fin.
Une peinture des années 60 aux Etats-Unis en pleine ségrégation. Une galerie de portraits de femmes, les noires
et les blanches vues avec beaucoup d’humour et de justesse. Les noires – les bonnes s’occupent des maisons et élèvent les enfants. Les blanches – les patronnes oisives se retrouvent chez elles ou dans les clubs. Leur nouveau sujet : les noires ne doivent pas utiliser leurs toilettes, il faut leur en construire dans les jardins.
Trois actrices principales, deux noires et une blanche, se relaient pour raconter l’histoire de leur vie, d’autres histoires s’immiscent entre les chapitres.
Aibileen est sage et sait tenir sa langue, Miny va de place en place car elle répond aux patronnes et Skeeter qui rentre chez elle après ses études, rêve de devenir écrivain et veut comprendre pourquoi celle qui l’a élevée n’est plus là.
Skeeter se lance dans un projet improbable… celui de raconter la vie des « Bonnes », Aibileen va se lancer rapidement dans l’écriture, d’autres se rallieront par la suite. Le livre prend forme en secret et l’on tourne les pages en se délectant.
M.-N. C.

Les insurrections singulières       
Jeanne Benameur, Actes Sud — 18 euros
Antoine et les mots, Antoine et les gens… et l'usine…
et Karima…et les « jours de rien »… Antoine a bientôt 40 ans et retourne chez ses parents après sa rupture avec Karima. Il y retrouve son enfance taiseuse, des parents aimants bien qu’inquiets de le sentir sans ancrage dans sa vie. Il ne sait que faire de lui et de ses sentiments de ne pas appartenir à un monde où FAIRE est justement la seule mesure d’une vie. Il rencontre alors ses trois petits-poucets, deux enfants et un bouquiniste tranquille, qui vont le pousser à partir et à réaliser un vieux rêve d’ailleurs. Ce rêve-là le conduira à prendre sa vie à bras-le-corps, parce qu’on n’en a qu’une et que chaque vie est unique, solitaire, même si les rencontres et les gens viennent l’enrichir et parfois vous faire un brin de conduite. Etudiant raté, ouvrier malgré lui, mais chercheur de sens, Antoine va partir à la rencontre des ouvriers brésiliens de Monlevade, ville du nom du Français qui introduisit la sidérurgie au Brésil. Pour comprendre, parce qu’en France on ferme les ateliers pour les délocaliser là-bas. Il y trouvera le sens de sa vie. J. Benameur cerne au plus près son personnage dont nous partageons les incertitudes, les errances et les tâtonnements. S’insurger pour parvenir à assumer sa singularité dans le monde  des êtres humains, quelle belle aventure !
B.A.

Le retour de Jim Lamar
Lionel Salaün, éd. Liana Levi — 17 euros
Un premier roman français dans un univers américain,
 le Missouri au bord du Mississippi… un village de paysans bornés et aigris pour la plupart. Une ferme abandonnée par un couple décédé par le chagrin, sans avoir revu leur fils Jimmy parti à la guerre du Vietnam et jamais revenu. Mort ou pas ils ne l’auront pas su. Depuis la ferme a été pillée par tout le village et les terres sont convoitées.
Un jour , elle est de nouveau occupée, Jimmy est revenu, mais les paysans sont hostiles à ce retour.  Le narrateur, Billy, 13 ans va faire la connaissance de Jim qui l’aide à se relever d’une chute. Entre tous les deux une amitié va naitre au fil des récits que lui  fera Jim. Toutes ces confessions dans cette nature généreuse et sauvage, ces murmures qui se mélangent au rythme du Mississippi donneront aux récits de Jim moins de noirceur. Il raconte la guerre et ses horreurs, l’après-guerre et ses amitiés, les promesses faites à ses amis dont il a dû s’acquitter. Billy va beaucoup apprendre sur l’histoire au contact de Jim. Un très beau récit.   
M.-N. C.

Le cœur régulier
Olivier Adam, éd de l’Olivier — 18 euros
Les romans d’Olivier Adam parlent de gens en fuite. Fuite de leur milieu, fuite d’eux-mêmes. Celui-ci ne déroge pas : l’héroïne, Sarah se réfugie au Japon car étrangère à sa propre vie depuis la mort de son frère tant aimé, elle tente, en se rendant sur ses traces de trouver un sens à sa mort et sans doute à sa vie à elle. Elle a laissé derrière elle un mari jugé trop conforme et deux adolescents dans lesquels elle ne reconnaît plus l’enfance douillettement lovée contre elle.
Dans le petit village au bord de la mer, il y a les falaises où se suicident ceux qui n’en peuvent plus de la vie, et puis, il y a le bon Monsieur Natsume qui, certaines nuits, hante ces mêmes falaises, tentant de les sauver en leur mettant doucement la main sur l’épaule.
Les thèmes récurrents chers à l’auteur se retrouvent dans ce livre : la tendresse fraternelle, le deuil, l’absence, le silence… Olivier Adam nous livre là, finement sculptés, des personnages à la recherche de leur vérité, dans un Japon rural de collines, d’eau et de mystère.
D. B.

Une chambre à soi
Virginia Woolf, éd. 10/18 — 6 euros
1928 : Virginia Woolf est sollicitée pour donner une conférence auprès d’étudiantes à Cambridge dans des collèges alors réservés aux femmes, sur le thème « Les femmes et le roman ».
À partir de ce thème, elle nous livre un recueil de ses réflexions sur les conditions de la création artistique et en particulier sur la capacité donnée aux femmes d’écrire. À partir d’incidents révélateurs – l’interdiction qui lui est faite de fouler la pelouse d’un collège masculin, la frugalité du dîner proposé dans le collège féminin…- elle explore les conditions faites aux femmes dans l’histoire et la lente évolution des attitudes. Pourquoi les auteures sont-elles si peu présentes sur les rayons des bibliothèques ? Pourquoi les écrits des hommes au sujet des femmes sont-ils si nombreux, et la plupart du temps si persifleurs ? Pourquoi est-il si difficile à une femme de trouver le temps et le lieu pour exercer sa capacité intellectuelle ?
Ironique, jamais agressive, V.Woolf explore magnifiquement les obstacles à la création, préférant le biais de la fiction à la gravité d’une démonstration. Cet essai peut paraître aujourd’hui un peu dépassé, mais il reste une vérité incontournable dans son raisonnement : sans une chambre à soi et un minimum d’autonomie financière, comment exercer librement travail de réflexion et de création ?
B. A.

La saison des mangues introuvables
Daniyal Mueenuddin, éd. Buchet Chastel — 20 euros
Dans ce beau recueil de huit nouvelles, Daniyal Mueenuddin met en scène la société pakistanaise de la fin des années 70.
Ces nouvelles ont pour cadre les propriétés de K.K.Harrouni : sa maison à Lahore, sa ferme au bord de l’Indus ou encore sa résidence de vacances. Ce riche propriétaire terrien apparaît en filigrane dans chaque histoire. Quant aux personnages principaux ils sont domestiques, employés ou encore fils de bourgeois.
A travers la vie de Nawabdin l’électricien à la moto, ou de la belle Saleema qui donne son corps pour manger et qui croit toucher au bonheur, ou encore d’Helen l’Américaine qui hésite entre son pays et le Pakistan de Sohail,
ce sont les turpitudes de l’être humain qui transparaissent : détournement d’argent, mensonge, corruption, faiblesse. Mais les traditions, plus que tout, pèsent lourdement sur ces personnages. Mueenuddin montre qu’elles demeurent cruellement vivaces. Il dépeint avec précision les paysages d’un Pakistan rural encore pétri de conventions où  la beauté de la campagne fleurie de manguiers ou d’orangers contraste violemment avec la noirceur des destins. Ces histoires de vie nous donnent à découvrir un Pakistan qui peine à entrer dans le monde moderne.
M.-F. N.

Pn ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux
Robert Bober, éd. P.O.L — 17 euros
C’est à l’occasion de la sortie de Jules et Jim de François Truffaut, que Bernard va voir avec sa mère, qu’il va enfin l’entendre parler de son histoire si proche de ce film.
Sa mère avaient deux amis Juifs Polonais, Yankel et Leizer. Le premier,
le père de Bernard, ne reviendra pas un jour, probablement victime d’une rafle, le second qu’elle épousera plus tard - père du jeune frère Alex-, et qui disparaîtra à  son tour dans un accident d’avion. Renouer avec des pères disparus, telle est la quête de Bernard qui ne peut construire sa vie et celle de son demi-frère sur l’absence. C’est dans le Paris du film de Truffaut où il est figurant qu’il renoue avec les lieux de la vie de son père avec sa mère. C’est à New-York qu’il retrouve la trace de la sœur du père de son frère Alex, partie étudier la danse avec son oncle. C’est au cimetière du Père Lachaise qu’il salue la mémoire de son père parmi les Juifs disparus. Ainsi s’opère le retour vers la vie, dans des lieux, des images, des histoires retrouvés les uns après les autres. Un livre très beau porté par la force des lieux et des images.
J. B.

La solitude des nombres premiers
Paolo Giordano, éd. Points Seuil — 7 euros
Alice, petite skieuse entêtée, poussée à l’exploit et à l’extrême par son père, vient de chuter dans un ravin à l’écart des autres, jambe à l’envers, incapable de se relever… morte ? Mattia a le souci précoce de sa jumelle Michela lourdement handicapée ; mais lorsque pour une fois ils sont invités à un anniversaire, il écarte de la fête la gêneuse en la laissant dans un parc public… on ne la retrouvera jamais. S’agit-il d’une série de nouvelles sur les destins tragiques de l’enfance ?
C’est là que l’écriture physique, sensitive de l’auteur va nous accrocher. Désormais Alice, rescapée boiteuse et vengeance implantée dans la peau, contrôlera tout : ce qu’elle mange, ce qu’elle vomit, sa maigreur effrayante. Mattia, rétracté du monde, s’est abandonné à la seule logique des chiffres et se lacère les mains quand l’angoisse est trop forte. Ces deux-là vont survivre en parallèle, et s’effleurer parfois, tels des nombres premiers (que l’on retrouve par deux mais toujours séparés par un autre). Ils ont l’intelligence cinglante et la solitude tranchée. Le ravage est immense… Parviendront-ils à s’apaiser ?
E. T.

Danse, danse, danse
Haruki  Murakami, éd. Seuil / Point — 8 euros
 Dans ce roman, Murakami nous plonge dans un univers mystérieux, où l’on oscille sans cesse entre le rêve et la réalité, le visible et l’invisible.
En effet le narrateur, publicitaire dilettante et branché, fait un rêve récurrent dans lequel quelqu’un pleure pour lui. Persuadé qu’il s’agit d’une fille, « Kiki », qu’il a connu autrefois dans un petit hôtel au nord du Japon, il part à sa recherche.
Lorsqu’il revient dans ce lieu, le petit hôtel est devenu un palace. Toutefois, c’est là qu’il va faire des rencontres étranges avec des personnes mortes, d’autres vivantes. Toutes l’entraîneront dans les profondeurs de l’être et contribueront à sa métamorphose.
Murakami nous donne à lire un roman magnifique, inquiétant, qui nous emmène danser sur le fil ténu de la vie.
On y retrouve ses thèmes privilégiés où les ténèbres et la grâce la plus lumineuse se mêlent jusqu’au vertige.
H. B.

Puisque mon cœur est mort
Maïssa Bey, éd. De l'aube — 17,80 euros
Aïda, algérienne, professeur d’anglais, divorcée, née le jour de l’Aïd el Kebir sous le signe du sacrifice, vient de perdre son fils, Nadir, 25 ans, étudiant en médecine, lâchement assassiné de nuit par un intégriste islamiste.
Pour ne pas sombrer dans la folie, elle décide de lui écrire une lettre tous les jours. Elle retrace leur vie, leur quotidien et cherche à comprendre pourquoi, par qui, ce drame est arrivé. Mektoub ! Etait-ce vraiment écrit, quels sont les éléments qui auraient pu détourner Nadir de cet évènement fatal.
Accablée, folle de chagrin elle marche sur la plage, se rend au cimetière, en lutte contre le poids des traditions, elle avance inexorablement vers son destin tragique.
Ses questions et ses réflexions nous éclairent sur l’Algérie meurtrière des années 90, années de terreur et de guerre fratricide où les bourreaux sont protégés par les lois, impunis, souvent présentés comme des repentis ou des égarés.
Maïssa Bey s’engage une fois de plus auprès des femmes meurtries et blessées. Ses phrases sont courtes, ses mots percutants et empreints d'une douleur immense. C'est un témoignage bouleversant sur la violence et sur l’impuissance face à l’intolérance, l’extrémisme et l’endoctrinement.
Ch. G

 

 

Autres plaisirs


Just kids
Patty Smith, édition Denoël — 20 euros
Patty et Robert Mapplethorne à leurs débuts dans l’Underground new-yorkais des années 60-70. Récit foisonnant, passionnant, réaliste, très bien écrit et traduit. Jeunesse bohème, désargentée et créative, où il faut choisir celui qui ira voir l’expo qu’il décrira ensuite à l’autre, où les rencontres ouvrent à l’amitié, à l’art, à l’invention artistique.

Un père pour mes rêves
Alan Duff, éd. Actes Sud — 22,80 euros
Nouvelle-Zélande, 1940. Fruit d'une liaison entre sa mère maori et un GI, Yank vit en marge, maltraité par le mari de sa mère, se forgeant un idéal de père américain à l’image de John Wayne ou d’Elvis Presley. Devenu musicien, il part à la rencontre de son père. La  réalité est rude : son père est un pauvre noir du Mississippi qui se bat pour ses droits face au Ku Klux Kan.

La vie est brève et le désir sans fin
Patrick Lapeyre, éd. P.O.L — 19,50 euros
Nora, femme fatale et fragile, navigue entre deux hommes, Louis Blériot à Paris et Murphy Blomdale à Londres. Tous trois décalés par rapport à leurs contemporains,
ils expriment leurs difficultés à vivre et à aimer sans sombrer dans la folie. Vision masculine des souffrances et passions amoureuses, à la fois triste et drôle...

Les trois lumières
Claire Keegan, éd. Sabine Wespieser, 14 euros
Un père conduit sa fille chez des amis dans une ferme, le temps que sa femme accouche d’un énième enfant. Chez les Kinsella, c’est différent, la vie semble facile et calme, on mange à sa faim, on passe des soirées à jouer aux cartes, on apprécie la nature. La petite profite de la tendresse du couple même si parfois des choses lui semblent un peu bizarres.   

G 229
Jean-Philippe Blondel, éd. Buchet-Chastel — 14,5 euros
Un professeur de langue, l’enseignement rivé au corps, se souvient de ses journées et ses années dans « sa classe » G229 qui lui a été attribuée dès son entrée au lycée et qu’il gardera durant sa carrière. Il évoque son quotidien fait d’inouïs plaisirs, de doutes, de velléités de faire autre chose…voyager, s’engager dans l’humanitaire… un roman qui nous touche par sa sincérité

L'autre fille
Annie Ernaux, éd. Nil, 2011 — 7 euros
Avec ce texte dense et puissant, Annie Ernaux poursuit l'exploration de son histoire familiale. Elle remonte ici au jour où elle surprend une conversation entre sa mère et une cliente. Ses parents ont eu, avant-guerre, une première fille, morte de diphtérie à six ans. Mais le silence a toujours recouvert cette soeur inconnue.

 


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